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SORTIES DE ROUTES

Par Jirina Fukova
[Poésies]

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Jirina est quelqu’un de rare. Je l’ai rencontrée quelques temps après la parution de «  Mes Amours Noires Â » qu’elle avait lu, je ne sais comment, et qu’elle souhaitait traduire pour Radio Prague. C’était en mars/avril 1991 et la révolution de velours avait définitivement fermé la parenthèse communiste. La poésie «  renaissait Â » en Tchécoslovaquie (en Tchéquie devrais-je dire), les textes sortaient de la confidentialité des revues dissidentes. Václav Havel ouvrait les portes de l’union fédérale. La symphonie «  du nouveau monde Â » reprenait droit de cité sur l’antenne de la Radio. Bref, nous vivions un «  nÅ“ud historique Â », et Jirina nous racontait tout cela si simplement, entre deux verres de vin, entre amis.
 
Elle était arrivée par le bus avec son amie Ivana et nous avions inventé un sabir afin de nous comprendre  ; Ivana ne parlant pas français et nous ne parlions pas Tchèque. Nous mélangions allégrement français, Anglais, Allemand, latin et grec (gloire soit rendue aux racines étymologiques  !), russes ou italiens… Qu’importe. Le vin aidant, nous n’avions, en fait, aucun mal ànous comprendre.
Le matin, elles partaient visiter la «  Capitale Â », l’après-midi était consacrée au travail et le soir nous apprenions ànous connaître.
Je ne sais plus comment nous décidâmes de cet échange, elle traduisant «  mes amours noires Â », moi interprétant «  Calendaires éphémères et sorties de routes Â »â€¦ Jirina me préparait un «  mot àmot Â » de ces textes, me les lisait en tchèque, m’expliquait le sens qu’elle y voulait mettre et j’essayais de retranscrire sa musique. Puis, nous faisions l’inverse avec mes textes.
Le soir, nous lisions nos travaux àIvana et Valérie qui ne manquaient pas de commenter nos «  Å“uvres Â »â€¦
Essayer de transcrire ce qu’un autre àvoulu exprimer est une expérience inoubliable. A force, il me semblait comprendre Jirina de l’intérieur. Comme une écriture combinée.
Nous poursuivîmes, bien après son séjour, notre travail. Malgré la distance, nous gardions le rythme. Je lui envoyais de nouveaux textes, elle m’envoya son second, puis son troisième recueil. Chaque fois que mes «  trahisons Â » étaient publiées je lui adressais un exemplaire, elle m’aida dans le projet Salhon et me dénicha quelques «  versets Â » parus dans l’ex Tchécoslovaquie…
Puis, plus rien. Je ne sais pas.
Si tu lis ces lignes, Jirina, tu sais où nous joindre. Je crois àla magie d’Internet et j’espère également que tu es toujours connectée…
 
 Â«  Sorties de routes » est la seconde partie du recueil «  Calendaire éphémère et sorties de routes Â » publié en 1989. Ces «  trahisons Â » sont parues en «  séquences Â » dans plusieurs revues francophones et, notamment par KALEà DON (1991).
 
EXTRAIT  :
 
FEU
 
Regarde-moi  !
 J’incendie ce passé  !
 
Fleur de naves, fane d’éblouie  !
 Regarde-moi  !
 
Flammes hautes
 Perdues sur les chemins de Rome  !
Je brà»le là  !
 
Caissette de tendresses,
 Bois sec de mes saules endeuillés,
 
 
Ne m’éteins pas  !
 Je serais la chaleur, 
La cendre, la braise, le charbon,
 
 
Quelque chose sous ta main froide.

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