logo Toled

DÉCEMBRE

Par Philippe Milbergue
[Nouvelles]

télécharger

Lire


Souvent, je ne sais pas pourquoi j’écris sur tel ou tel thème. L’histoire vient et s’impose, mots après mots, phrases après phrases. En fait, j’ai un début que je déroule ou démêle selon. J’ai une écriture du matin, vers quatre, cinq heures, avant que le soleil ne vienne envahir mon écran. Quand je suis dedans, le jour peut bien se lever, je reste dans ma nuit. Je fini mon rêve. J’accouche. Ma jouissance est là, àl’instant de la délivrance, lorsque le texte, gorgé de tout ce qui me fait, trouve sa forme. Je suis, je tends àêtre dans l’évidence du fait. La gestation ne m’intéresse pas. Je suis, par nature, gravide. Il faut que j’expulse  ! D’abord la tête, puis le corps, enfin la chute  ! Tout est dit…
 
Pour certains textes, pour «  Décembre Â », ce fut différent. J’avais la fin. Une fin en forme de questions  :
Peut-on comparer deux parcours de vie àune génération d’écart  ? Sous entendu  : le contexte étant différent, la comparaison était-elle possible  ?
Existe-t-il des invariants identitaires et sommes-nous, d’une façon ou d’une autre, prédéterminés àvivre telles ou telles situations  ?
L’empathie est-elle l’origine du «  sentiment paternel Â » ou «  maternel Â »  ? Autrement dit  : sommes-nous père ou mère parce que nous nous identifions ànos enfants  ?
 
Vraiment, il y a des matins où je ferais mieux de dormir  !...
 
Qu’allais-je faire de toutes ces questions  ? J’en avais au moins pour dix ans… Et qu’est-ce qui se cachait derrière tout ça  ? J’avais beau triturer mes neurones, j’en revenais toujours au même point  : Ce n’était pas un jour avec…
 
J’ai été me faire un café puis je me suis recouché. Je sais, c’est un peu bizarre mais j’aime bien. Le café m’empêche de dormir, je m’agite, les pensées flashent, butent, se rangent, se classent, ou pas, je garde les yeux ouverts, fixe un point sur le papier peint, compte les idées comme les moutons, puis m’endors et laisse faire le travail.
 
Je passe àautre chose.
 
Neuf mois plus tard (non, je déconne…) j’écrivis Décembre par le début  : d’abord la tête, puis le corps, enfin la chute.
 
Je n’ai toujours pas trouvé de réponses mais, au moins, les questions sont posées…
 
 
«  Décembre Â » a été publiée en tiré àpart par les éditions Beth Olam en 1990
 
EXTRAIT  :
Dehors, c’était toujours la même cité. Comment aurait-il pu en être autrement  ? Sauf en rêve. Je ne rêvais pas. La grosse étoile éclairait de blafard les murs sans fenêtres, les rues sans lampadaires. Les lumières pesaient lourdes dans ce décor. C’était un jour de liesse, on allumait les parvis. Des milliers de taches mobiles erraient, morbides. Des cellules de lumières. Sans barreaux. Sans grillage. Des cellules murées avec de la lumière triste, triste qui tourne en rond. Un sentiment de malaise m’oppressait. J’avais une arrête, dans le gosier, inexplicable.

 

fond