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Editorial

Par Philippe Milbergue
[Editoriaux]


Au début des années 90, Internet existait déjàmais n’offrait guère de visibilité… Pour publier, il me fallait passer des heures àécrire des adresses, àacheter des timbres et àfaire des photocopies. Et oui  ! Les «  Personals Computers Â » n’envahissaient pas encore mon salon. J’utilisais une Brother électrique àboules… et une photocopieuse qui perdait parfois son huile sur la moquette.
 
Depuis, j’ai eu un Amstrad puis différents PC et j’ai appris qu’une boîte aux lettres n’était pas forcément six étages plus bas, face àla loge de la gardienne…
 
En ce temps là, la «  lettre Â » était le «  lien Â ». Rappelez-vous, les téléphones portables non plus n’existaient pas  ! Ou si peu  ! Et le fixe coà»tait cher… en proportion gardée. C’était les dernières heures de gloire du Minitel…
 
Donc, j’envoyais mes textes et, parfois, j’avais une réponse et, parfois, j’avais un revuiste qui aimait bien et, parfois, il me publiait.
 
Quelle joie alors  ! Je me souviens de quelques bouteilles descendues àla santé de telles ou telles revues  ! Pour un poème de quatre vers (mais la taille ne compte pas quand on aime…), nous en buvions bien plus… Enfin, quand nous étions en fond…
 
Ce nous, il faut que je vous en parle.
 
Nous étions quatre, vivant presque ensemble, cinq en comptant Valérie qui nous lisait et nous aimait, six avec l’esprit de Salhon que nous traduisions avec la complicité de Jirina, sept avec Jean, mon frère Jean, qui nous éditait, nous laissait ses colonnes pour tester nos envies, huit, neuf, vingt, cent, avec nos réseaux de revuistes, d’auteurs, d’amis, mille, dix milles (rêvons un peu  !) avec nos lecteurs…
 
Nous avions créé le collectif «  19/84 Â »  ; C’était àla «  mode Â », les collectifs… Pour nous, c’était un pacte  : chaque fois que l’un d’entre nous publiait dans une nouvelle revue, il ouvrait la porte aux autres.
 
Ce n’était pas nouveau comme principe. Nous réinventions le Bateau Lavoir, le Groupe Octobre, la Pléiade…
 
Akima nous parlait de son grand, son unique amour  : Satho  ! Celui-là, il n’était pas de mes amis…
Moha recherchait ses ancêtres, le dragon rose de ses rêves et le vingt sixième nœud du carré de sa mémoire…
Jérémy, sous couvert d’arts, nous dévoilait des instants de vie, de sa vie…
Et moi, je me cherchais, tantôt en Italie, tantôt en Espagne, tantôt en poésie, … je me cherchais…
 
En cinq ans, nous avons publié plus d’une cinquantaine de textes  ; nouvelles, contes, récits, chroniques, dialogues, journaux… sans parler de la poésie, laboratoire de formes, petites épiphanies…
 
Nous squattions littéralement certaines rédactions  : KALEà DON, RICERCARE, certes, expérience magique de gratuité totale, Internet avant l’heure, Internet sur papier, mais aussi NOUVELLES-NOUVELLES, NOUVELLE NUIT, L’ENCRIER, L’ANACOLUTHE, ECRITURE, RETRO-VISEUR, LIEUX D’ÊTRE, INÉDITS, BACCHANALES, LE MATIN DÉBOULONNÉ, VENTS D’OUEST, …
 
Il était tant que nous arrêtions. Nous allions devenir des «  professionnels de la profession Â » et produire plutôt qu’écrire.
 
Je n’ai rien contre le principe de «  production Â ». Plus d’éditeurs, d’auteurs, de textes, de libraires, de lecteurs … cela me va  ! (au passage, signez, s’il vous plait, l’appel pour le livre et contre la modification de la loi «  Lang Â » sur le prix unique que nous conservions cette «  exception française Â » où le livre n’est pas un savon, une lessive, un shampoing ou une botte de carottes…  :http://www.lekti-ecriture.com/signezpourlelivre) Mais devons-nous, pour cela, supporter les mondanités de la SGDL ou nous plier aux règles des plans de com  ? Devons-nous subir la syntaxe anglaise et construire nos phrases de sèmes minimalistes  ? Devons-nous être auteurs et écrivains  ? Et ne pouvons-nous nous réfugier dans le silence lorsque nous n’avons plus rien àdire  ?
 
Ce que nous fîmes.
 
Et la toile se déplia.
 
Au début des années 2000, 15% environ des foyers français avaient un accès Internet. Le Haut Débit commençait àêtre disponibles dans les grandes villes. Certaines revues «  papiers Â » migraient, tout ou partie, leurs activités sur la toile. D’autres arrivèrent. L’écrit explosait de partout. Des éditeurs en ligne proposaient leurs services. Le «  livre Â », loin de mourir, se déclinait en numérique, pdf, e-book, en ligne… Il fallait du contenu  ! Des rédacteurs  ! Des illustrateurs  ! Des imaginaires et des analyses… Tous créateurs  ! Tous critiques…
 
Comment résister àcette vague de l’âme  ? A cette exposition d’Ego  ? Comment ne pas en «  Ãªtre Â »  ?...
 
Nous revînmes.
 
Akima publia chez INFONIE, Moha chez IDLIVRE, Salhon fut le poète du mois pour DÉCHARGES, comme Akima d’ailleurs – nous continuions notre jeu –. J’eus, pour ma part, le plaisir de voir «  Huit quartiers de lune Â » sur le site D’ECRITS-VAINS… Seul Jérémy garda le silence…
 
Alors l’idée germa d’aller plus loin, de tisser des liens «  directs Â » avec nos lecteurs, nos amis, nos «  semblables Â »â€¦ L’idée de notre propre site, l’idée de Tol’ed… Tol’ed, armes & bijoux, comme l’art…
 
Bienvenue  !
 
Philippe Milbergue


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